Homo Absurdum.
Bonjour, 
L’estime de soi, à mon avis, est liée aussi à ce qu’on a fait de sa vie, et à la comparaison qu’on est tenté de faire ( même s’il vaudrait mieux s’abstenir ) entre ce qu’on est et ce qu’on aurait rêvé d’être.
J'ai toujours été rêveur. Une certaine créativité aussi, mais essentiellement rêveur. Pas du genre très déterminé. A un moment donné, peut-être un peu tard, j'ai connu des œuvres qui m'ont donné envie de m'investir dans certains domaines. Mais je n'étais pas assez sûr de moi et je n'avais pas commencé assez jeune. Notamment dans la musique. Et ceux qui m'avaient motivé n'étaient pas n'importe qui : Magma, en l'occurrence. Des gens qui font quelque chose de fou, et sont essentiellement dans un mélange de révolte, de mysticisme, de parti pris absolu de création, pas de concessions à la mode ou au commerce. Des intégristes de la musique, si on veut. Et qui passe par Magma ne voit plus les choses de la même façon. Donc c'était mon idéal, mais je m'y mettais un peu tard : 17 ans, je crois. A côté de ça, pression pour trouver un travail, etc. J'ai fait des études un peu en catastrophe, qui n’avaient rien à voir avec la musique. Puis, mon diplôme en poche, je n’ai pas trouvé à l’exploiter, j’ai passé un concours un peu au hasard, je l’ai eu, je me suis mis à bosser.
Ce boulot, je le faisais en me disant que ce serait le temps de voir venir, sauf que ça s'est éternisé, et mal passé. A l’époque, ça existait mais sans nom. Maintenant, on appelle ça du harcèlement moral. Enfin, peu importe. De là, arrêt maladie pour dépression, puis naufrage du couple et éclatement de la petite famille. Oui, car madame, obsédée par l'idée d'avoir des enfants, avait cessé de prendre la pilule et donc m'avait placé devant le fait accompli. Père de famille, responsable, et employé dans une administration où ça se passait mal. Ma vie était une galère ; pas au sens matériel : j’avais à manger, un toit sur la tête. Mais des conflits, des embrouilles, constamment.
J'étais piégé dans une vie qui n'avait rien à voir avec celle que je m'étais imaginé. En fait, peut-être que je n'avais pas la carrure, pas le talent, pas la confiance en soi, ni la hargne, ni la capacité à m'imposer des contraintes ? Ni le sens du risque ? Bref, pour mille et une raisons, je me suis dit à un moment donné que concernant mes projets, je pouvais peut-être rassembler des gens et faire une musique différente, mais sans chercher à en vivre, juste pour le faire ? Juste pour le plaisir…
En réalité il n'y a jamais eu moyen. J'ai laissé tomber. Je me retrouve maintenant piégé dans une vie que je trouve très prosaïque, très con, comme beaucoup de gens ; pas plus pas moins, mais je ne sais pas comment eux s'en sortent. Quand tu croises des gens, ils ont tous le réflexe, sauf exception, de faire bonne figure, de sauver l’honneur, alors ils donnent à voir une façade lisse, impeccable, on dirait que pour eux ça va, que tout roule. Sans parler des frimeurs qui se pointent avec un gros 4X4, la plus belle femme du monde, les plus beaux enfants, la plus belle villa, présidents du club de foot, que sais-je encore… On ne sait pas comment ça se passe dans la tête des autres, alors, on se laisse piéger par leur mine prospère et on a l’impression d’être le seul à se poser des questions.
Et même s’ils ont la mine triste, ça n’est pas de toutes façons, une consolation.
Moi, je trouve la réalité déprimante et quelconque. Je trouve qu'on est très seul : chacun ses problèmes. Les gens te serrent la pince, t'écoutent si tu dis des banalités. Au-delà, ils se renferment. Moi je n'essaie même plus, ni de dire ce que je ressens, ni de montrer mes talents ( ça m'a plus fait de tort qu'autre chose, ça a été utilisé contre moi, les gens étaient jaloux, etc. ), ni de parler de choses profondes. Je me tais. Mais je n'en pense pas moins. Je me retrouve souvent au milieu de gens en me demandant ce que je fous là, en me disant que je n'en ai rien à foutre, mais rien de rien. Pour moi la vie est un chaos, un gâchis, du n'importe quoi. Et puis un gars comme moi est nécessairement en trop pratiquement partout. A la fois suffisamment hors normes pour en avoir tous les inconvénients, l'ostracisme, la méchanceté des autres... mais pas assez pour en retirer des avantages.
Quels avantages ? Ben la reconnaissance minimum. A savoir, ce n'est pas tant pour la gloire et la fortune, que pour ne pas être obligé de se taper des trucs qui n'ont rien à voir. Si encore ces trucs se passaient bien, on ne ferait que s'y morfondre et vieillir peu à peu. Mais quand ça se passe mal en plus, alors là on crève à petit feu, on cuit dans son jus. Là en ce moment le boulot ça va. Mais j'ai quand même un sentiment de gâchis, d'avoir raté ma vie.
Et encore, je fais partie de cette portion des humains qui est à l’abri des problèmes de survie. Dégagé de ces questions, homo sapiens sapiens se retrouve confronté, en dernier ressort, à un problème plus profond : l’absurdité de sa condition de singe savant, mortel et sachant qu’il va mourir, se fixant des buts pour occuper sa vie mais ne parvenant pas à les atteindre.
Homo sapiens sapiens devrait plutôt s'appeler Homo Absurdum, non ?
Et vous, vous en pensez quoi ?
A vous lire,
L’estime de soi, à mon avis, est liée aussi à ce qu’on a fait de sa vie, et à la comparaison qu’on est tenté de faire ( même s’il vaudrait mieux s’abstenir ) entre ce qu’on est et ce qu’on aurait rêvé d’être.
J'ai toujours été rêveur. Une certaine créativité aussi, mais essentiellement rêveur. Pas du genre très déterminé. A un moment donné, peut-être un peu tard, j'ai connu des œuvres qui m'ont donné envie de m'investir dans certains domaines. Mais je n'étais pas assez sûr de moi et je n'avais pas commencé assez jeune. Notamment dans la musique. Et ceux qui m'avaient motivé n'étaient pas n'importe qui : Magma, en l'occurrence. Des gens qui font quelque chose de fou, et sont essentiellement dans un mélange de révolte, de mysticisme, de parti pris absolu de création, pas de concessions à la mode ou au commerce. Des intégristes de la musique, si on veut. Et qui passe par Magma ne voit plus les choses de la même façon. Donc c'était mon idéal, mais je m'y mettais un peu tard : 17 ans, je crois. A côté de ça, pression pour trouver un travail, etc. J'ai fait des études un peu en catastrophe, qui n’avaient rien à voir avec la musique. Puis, mon diplôme en poche, je n’ai pas trouvé à l’exploiter, j’ai passé un concours un peu au hasard, je l’ai eu, je me suis mis à bosser.
Ce boulot, je le faisais en me disant que ce serait le temps de voir venir, sauf que ça s'est éternisé, et mal passé. A l’époque, ça existait mais sans nom. Maintenant, on appelle ça du harcèlement moral. Enfin, peu importe. De là, arrêt maladie pour dépression, puis naufrage du couple et éclatement de la petite famille. Oui, car madame, obsédée par l'idée d'avoir des enfants, avait cessé de prendre la pilule et donc m'avait placé devant le fait accompli. Père de famille, responsable, et employé dans une administration où ça se passait mal. Ma vie était une galère ; pas au sens matériel : j’avais à manger, un toit sur la tête. Mais des conflits, des embrouilles, constamment.
J'étais piégé dans une vie qui n'avait rien à voir avec celle que je m'étais imaginé. En fait, peut-être que je n'avais pas la carrure, pas le talent, pas la confiance en soi, ni la hargne, ni la capacité à m'imposer des contraintes ? Ni le sens du risque ? Bref, pour mille et une raisons, je me suis dit à un moment donné que concernant mes projets, je pouvais peut-être rassembler des gens et faire une musique différente, mais sans chercher à en vivre, juste pour le faire ? Juste pour le plaisir…
En réalité il n'y a jamais eu moyen. J'ai laissé tomber. Je me retrouve maintenant piégé dans une vie que je trouve très prosaïque, très con, comme beaucoup de gens ; pas plus pas moins, mais je ne sais pas comment eux s'en sortent. Quand tu croises des gens, ils ont tous le réflexe, sauf exception, de faire bonne figure, de sauver l’honneur, alors ils donnent à voir une façade lisse, impeccable, on dirait que pour eux ça va, que tout roule. Sans parler des frimeurs qui se pointent avec un gros 4X4, la plus belle femme du monde, les plus beaux enfants, la plus belle villa, présidents du club de foot, que sais-je encore… On ne sait pas comment ça se passe dans la tête des autres, alors, on se laisse piéger par leur mine prospère et on a l’impression d’être le seul à se poser des questions.
Et même s’ils ont la mine triste, ça n’est pas de toutes façons, une consolation.
Moi, je trouve la réalité déprimante et quelconque. Je trouve qu'on est très seul : chacun ses problèmes. Les gens te serrent la pince, t'écoutent si tu dis des banalités. Au-delà, ils se renferment. Moi je n'essaie même plus, ni de dire ce que je ressens, ni de montrer mes talents ( ça m'a plus fait de tort qu'autre chose, ça a été utilisé contre moi, les gens étaient jaloux, etc. ), ni de parler de choses profondes. Je me tais. Mais je n'en pense pas moins. Je me retrouve souvent au milieu de gens en me demandant ce que je fous là, en me disant que je n'en ai rien à foutre, mais rien de rien. Pour moi la vie est un chaos, un gâchis, du n'importe quoi. Et puis un gars comme moi est nécessairement en trop pratiquement partout. A la fois suffisamment hors normes pour en avoir tous les inconvénients, l'ostracisme, la méchanceté des autres... mais pas assez pour en retirer des avantages.
Quels avantages ? Ben la reconnaissance minimum. A savoir, ce n'est pas tant pour la gloire et la fortune, que pour ne pas être obligé de se taper des trucs qui n'ont rien à voir. Si encore ces trucs se passaient bien, on ne ferait que s'y morfondre et vieillir peu à peu. Mais quand ça se passe mal en plus, alors là on crève à petit feu, on cuit dans son jus. Là en ce moment le boulot ça va. Mais j'ai quand même un sentiment de gâchis, d'avoir raté ma vie.
Et encore, je fais partie de cette portion des humains qui est à l’abri des problèmes de survie. Dégagé de ces questions, homo sapiens sapiens se retrouve confronté, en dernier ressort, à un problème plus profond : l’absurdité de sa condition de singe savant, mortel et sachant qu’il va mourir, se fixant des buts pour occuper sa vie mais ne parvenant pas à les atteindre.
Homo sapiens sapiens devrait plutôt s'appeler Homo Absurdum, non ?
Et vous, vous en pensez quoi ?
A vous lire,
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