On / off.

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ubik
le 09/06/2006
Il y a des gens qui rayonnent. Non seulement ils dégagent de l'énergie dans ce qu'ils font, ce qu'ils sont, mais ils en donnent aux autres. A leurs côtés, on est obligé d'être bon. Ou du moins, ils arrivent à tirer le meilleur de nous. D'eux-mêmes, déjà, c'est évident, puisque ils excellent. Mais ils ne se contentent pas d'exceller. Ils tirent les autres avec eux vers le haut.

Je le vois avec mon prof de percussions, c'est un gars qui envoie, qui joue, et qui se trouve autant à l'aise dans le Cubain que dans l'Africain. Et quand il anime un groupe, il sait faire en sorte de rattrapper en route ceux qui se plantent, les stimuler, leur donner envie de livrer ce qu'ils ont de meilleur. Il sait délivrer la petite clé qui permet à chacun de retomber sur ses pattes, de se reprendre, de retrouver le chemin, d'avoir à nouveau les bons repères.

Je l'ai vu avec beaucoup de gens, dans des domaines divers. Des gens qui enseignent et qui pratiquent. Des gens qu'on ne peut qu'admirer, qui épatent, que ce soit derrière une batterie, sur un tatami, face à une paroi difficile... Ils ne sont pas seulement passionnés de musique, de karaté, d'escalade ou autre. Ils sont habités, illuminés par une sorte de feu sacré. Ils ont le don de transmettre, d'enthousiasmer, de transcender. Avec eux, on ne reste pas à les admirer, on devient bon soi-même. C'est assez inexplicable. Ils entraînent, on dirait qu'ils pourraient faire bouger des montagnes.

A côté de ça, il y a des gens qui paraissent éteints. N'ont envie de rien, ne s'intéressent à rien, se contentent d'une vie monotone, placée sous le sceau du conformisme.

Je ne dis pas que la vie se limite à cette dualité de positions on / off, allumé / éteint. Mais c'est néanmoins quelque chose que j'ai pu observer.

Et moi ? J'ai l'impression que je suis quelque part entre les deux. Manifestement habité, irradiant d'un quelque chose qui fait qu'il y a matière à dire, c'est clair. En arts plastiques, en musique, en littérature. Il y a quelque chose, on ne sait trop quoi, mais ça existe.

Cependant, s'il y a quelque chose, il semble qu'il n'y en ait pas assez. Trop pour qu'on se taise, trop pour qu'on ne remarque pas. Mais pas assez pour que ça marche. Pas assez pour entraîner les autres, leur donner envie, les convaincre.

Tout ce que j'ai entrepris et mené à terme, je l'ai fait seul. Essentiellement, dans le domaine du roman noir, et des arts plastiques. Mais ce sont des domaines qui s'en accomodent, voire qui s'y prêtent. Le personnage du peintre, de l'écrivain, est souvent solitaire.

En musique, j'ai fait aussi quelques oeuvres abouties, mais en trichant, en jouant seul de plusieurs instruments virtuels, via l'utilisation de l'ordinateur ( quand il veut bien fonctionner ). Mais pour moi, la musique en conserve, la musique jouée au ralenti et destinée à remplacer la présence de vrais instruments, a quelque chose d'absurde. C'est un palliatif, un ersatz. Quelque chose de quasiment onaniste.

J'en ai marre de ne faire de la musique que dans mon coin, comme un vieux sanglier au fond des bois. Pour moi, faire de la musique implique nécessairement un partage, un échange, un climat d'émulation. Bidouiller dans son coin, c'est pratiquement un contre-sens. C'est du mieux que rien, sans plus. J'en ai marre de ça. J'amerais tellement m'intégrer dans une formation qui me tiendrait, me donnerait un but. Là, si je pars en vrille, si je ne fais rien de bon, si je me laisse aller au découragement, rien ni personne ne me tient.

On dirait que je ne parviens pas à mobiliser les énergies. Les grands groupes, dans le domaine de la musique dite "progressive", celle qui m'intéresse, ont toujours été le fait de leaders plus ou moins habités d'une sorte d'aura exceptionnelle. Magma c'est Christian Vander, connu comme un batteur exceptionnel mais aussi un créateur génial, quand ce n'est pas un fou, un type inaccessible débarqué d'on ne sait quelle planète. King Crimson, c'est, depuis plus de 35 ans, Robert Fripp qui inlassablement fait avancer sa grosse machine, quelles que soient les circonstances et les aléas. Des locomotives puissantes. moi, j'ai l'impression que je ne résiste pas à l'usure. Pendant des années j'ai cherché à mobiliser les gens, j'ai trimballé mes percus sur des kilomètres pour des gens qui ne venaient pas aux répétitions... A une époque, mon ordinateur manquant de puissance, je devais fractionner mes morceaux en deux, voire trois parties. Et chaque morceau était envisagé selon plusieurs versions gravées sur un CD, pour pallier à toute absence. Version avec le bassiste mais pas le batteur, version sans le pianiste mais avec ou sans le violon... J'ai calculé que dans l'époque la plus hard, il m'arrivait de graver, pour pouvoir répéter un morceau, jusqu'à 12 versions, parfois fractionnées en 3 parties, ce qui veut dire que je me tapais le boulot de mise en place 36 fois ! Tout ça pour qu'au final, les gens viennent de moins en moins, et des fois je me retrouvais seul au local, dont je me foutais bien personnellement, parce que si c'était que de moi, j'aurais pu rester seul pour travailler dans ma maison, je n'avais pas besoin de me taper 40 bornes pour travailler les percus, dans ma maison j'ai un local. Moi, je venais pour les autres, j'avais tout prévu pour que chacun puisse travailler, quels que soient les personnes présentes, mais pendant ce temps, j'avais en face de moi de la désinvolture. Je l'ai joué, pendant longtemps, le rôle de la loco, mais j'en ai eu marre de traîner des wagons qui n'avaient pas envie d'avancer.

A présent j'en ai marre. Trop de galères. J'aspire à trouver des gens qui soient motivés par la même chose que moi. Je n'ai pas envie d'êre le leader, ni celui qui garde le cap. Je n'ai pas envie d'avoir affaire à des gens qui ont plus ou moins envie et que je devrais motiver. Ni de devoir leur expliquer pourquoi il est important de jouer dans tel ou tel esprit... Si un guitariste a des plans de blues plein la tête, je ne suis pas là pour lui rappeler qu'on fait autre chose, je ne suis pas là pour l'empêcher de jouer ça. Qu'il aille le jouer ailleurs, si c'est ça qui lui plait. Je ne veux pas emmerder le monde. Normalement, quand les choses se passent bien, les gens participent à ce qu'ils font parce que ça leur fait plaisir, et pas parce qu'on le leur impose. Je n'ai pas à imposer le style que je veux faire aux gens qui viendront. Il faut simplement que je trouve les gens qui ont envie de faire ce style. C'est comme une rencontre amoureuse : on ne prend pas quelqu'un qui convient plus ou moins en se disant qu'on va le modifier, l'éduquer, peu à peu lui faire perdre telle ou telle habitude, qu'on juge mauvaise. Au contraire, on part du principe que quelqu'un est forcément fait pour nous, et que lorsque cette personne sera là, tout se fera sans forcer, naturellement. Enfin, moi je ne veux pas jouer le rôle de l'emmerdeur, ni du leader, ni de celui qui se porte garant qu'on va bien dans la bonne direction. J'aimerais trouver les gens qui comme moi ont écouté King Crimson, Steve Reich, Magma, et rêvent de rencontrer un gars comme moi, qui travaille dans cet esprit. Je n'ai pas envie de tomber sur des gens qui me diraient "tiens, pourquoi pas, on va essayer", mais sur des gens qui me diront "enfin, tu es là, depuis le temps que je cherchais quelqu'un qui ait la même envie que moi". Je n'ai pas spécialement envie du rôle de celui qui porte la responsabilité des compositions. J'aimerais bien tomber sur quelqu'un qui compose aussi, dans le même esprit. Je me contenterais même d'une seule personne comme ça. Un complice qui vraiment crée le noyau d'une relation vraiment féconde. Pas quelqu'un qui joue à toute vitesse, plein de technique, mais qui ferait ça parce que je le propose, mais qui pourrait faire tout aussi bien du blues, du jazz ou du reggae. Je voudrais rencontrer quelqu'un qui ne peut faire que ça, parce que pour lui, il n'y a que ç
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