Surinfection psychique.

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ubik
le 03/08/2009
Bonjour,

Certains d'entre vous vont se reconnaître dans ce que je vais dire, sans doute.

Quand on prend un coup de pied dans le tibia, ça fait très mal.

Mais si le tibia a déjà un hématome, là c'est terrible.

Quand quelqu'un vous frappe là où vous avez déjà mal, la douleur est insoutenable.

Et si la situation se répète, ça arrive à un point où on n'a plus la moindre tolérance à cet endroit. Cela devient de la torture.

Ceux d'entre vous qui ont les oreilles décollées, se trouvent trop gros, à tort ou à raison, ont un physique qui, sous nos contrées et dans notre système culturel, ne correspond pas à des critères valorisés, sont habitués à ce que régulièrement, on leur resserve la petite phrase qui tue. Et si certains en prennent leur parti, d'autres finissent par ne plus le supporter. Chacun de ceux-là se trimballe sa croix et sait que ça durera probablement toujours.

Moi, j'ai toujours été petit, pas costaud et jugé unanimement par les femmes comme étant moche ou, en tous cas, différent des canons de beauté communément admis ( mais au nom de quels critères et surtout, quels critères objectifs ) ?

Qui plus est, de naturel sauvage, timide avec les filles, rêveur, de caractère doux, foncièrement gentil et poli, je présente un tableau d'ensemble qui fait de moi la proie rêvée pour les emmerdeurs en tous genres, des deux sexes. Je ne compte plus les innombrables fois où des mecs à qui je n'avais rien fait ni rien demandé, que je ne connaissais pas, profitaient de ma petite taille pour me bousculer, m'humilier, me provoquer, etc. Je ne compte plus les regards de mépris incommensurable que la gent féminine me décochait comme autant de flèches empoisonnées. Sans parler des filles qui, par pur sadisme, s'amusaient à singer un intérêt pour moi, dans le seul but de faire claquer ensuite leurs langues fourchues comme des fouets pour m'humilier devant leurs copines. Me soufflaient le chaud et le froid. Me laissaient croire pendant des semaines qu'elle voudraient peut-être de moi, comme le chat joue avec la souris avant de l'achever. Et ainsi de suite.

Je pourrais raconter des millions d'anecdotes comme, je suppose, chacun de ceux qui parmi vous ont un quelque chose en eux qui a permis à autrui de leur faire mal, de mettre le doigt où ça fait mal. Tant il est vrai que tous les moyens sont bons, et que Sapiens Sapiens n'a pas son pareil pour se précipiter sur le point faible d'autrui, une fois qu'il l'a trouvé. Et quand c'est physique, c'est vite trouvé et puis si facile à exploiter...

Une blessure qui ne guérit pas se surinfecte. Surtout si on lui file régulièrement des coups de latte et des gnons.

Je trouve que Sapiens Sapiens est bien cruel et que malgré toute la haute technologie dont il s'entoure et les gadgets, les bagnoles et les jolies fringues, les lunettes à la mode et la coiffure impeccable, le parfum et tous les efforts qu'il fait pour présenter une façade séductrice, au fond il reste un prédateur particulièrement sournois et détestable. Son statut d'adulte "responsable", qu'il affiche avec ostentation, à travers tous les signes de réussite qu'il revendique tant et exhibe avec complaisance, cache mal sa puérilité. Les enfants sont durs entre eux. Et plus ça va, plus les adultes m'apparaissent en réalité comme de grands enfants, avec des stratégies parfois à peine un cran au-dessus de celles qu'ils développaient déjà dans la cour de récré de la maternelle. Des grands enfants qui ont "réussi", encore faudrait-il s'interroger sur le sens de ladite réussite, et tiennent à le montrer. Réussi socialement, mais souvent ont échoué à devenir des personnes. Ce sont des sortes de systèmes bourrés de conditionnements gigognes entassés à l'infini, des gens qui ont la langue bien pendue mais dont l'âme est singulièrement atrophiée et dénuée d'empathie.

Moi aussi on m'a fait mal. On s'est servi de mes points faibles ( tout à fait culturels, qui plus est. On ne porte pas du tout le même regard sur la taille des hommes en Asie, par exemple ).

Récemment, quelqu'un m'a traité de nabot. Comble des combles, alors qu'on m'avait présenté à ce type en disant que j'étais un ami. Je n'arrive pas à comprendre. Moi, si mon meilleur ami me présentait un pote à lui, il ne me viendrait pas à l'idée de l'appeler Dumbo parce qu'il a un gros nez, ou Mickey Mouse par qu'il a des oreilles décollées. Je ne comprends pas cette attitude et je la trouve particulièrement vile, mesquine, infantile et minable. Je dois sans doute être vieux jeu, mais on m'a éduqué dans l'idée de respect d'autrui, de politesse, de savoir-vivre et là, j'avoue que je ne m'attendais pas du tout à ça, je suis resté assommé sur le coup. J'ai été très affecté, ça se passait à un mariage, je n'ai pas voulu gâcher le mariage de mon ami, faire un esclandre, je n'ai rien dit mais j'en ai été tellement retourné que je n'ai pas dormi de la nuit. Le lendemain très tôt, je suis reparti, sans rien dire à personne, alors que je devais rester plus.

Que dire ? Saint-Exupéry l'a énoncé depuis longtemps : l'essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu'avec le coeur. Et quand on tombe sur des gens sans coeur, non seulement ils le démontrent par leur spectaculaire cécité, mais qui plus est ils en semblent fiers, la revendiquent, la clament haut et fort. Tant il est vrai que moins les gens en ont à dire, plus ils claironnent et paradent.

Depuis, j'ai du mal à m'en remettre. Par moments, je craque et les larmes me viennent, en un flot que j'ai du mal à endiguer.

A un moment, trop, c'est trop.

Je pense que sans doute certains comprendront mon idée de surinfection affective : à force de toujours morfler au même endroit, on se dit : mais ça ne guérira jamais.

L'autre soir, j'étais désespéré. Je me disais : toute me vie on m'a fait chier, et ça ne finira qu'avec mon dernier souffle.

Je voulais juste exprimer ça, et vous dire que je compatis à votre souffrance, car je la connais. Je n'ai sans doute pas les mêmes misères que vous, mais nous avons ceci en commun je pense : la surinfection. A force de toujours morfler au même endroit, entendre toujours les mêmes réflexions déplacées et méchantes, à force de sentir ces regards en forme de fin de non-recevoir, et ainsi de suite.

Mon message est là pour vous dire que je comprends votre souffrance. Juste ça.

Je vous souhaite, malgré tout, la paix.

Ubik.
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