Un fatigué de plus.

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ubik
le 03/07/2007
Salut à tous…

Je ne sais pas pour vous, mais…

Perso, j’ai cru pendant longtemps que le monde allait changer. Devenir moins chaotique. Moins idiot. Moins empressé de courir à sa perte. Et j’ai cru longtemps que mon action contribuerait à changer le monde. Je ne sais pas pourquoi, allez comprendre… Je me figurais que dans ma vie, je ferais de grandes choses.

Ces derniers temps, j’ai tendance à penser que ce monde est, en fait, gouverné en grande partie par le superficiel. La frime, la mode, la télé réalité et autres bouffonneries.

Disons, pour schématiser les choses, que nous avons d’un côté les pays aisés qui, après avoir dépassé le stade du confort, s’enfoncent dans les loisirs et un certain abrutissement, orchestré par les médias. De l’autre, nous avons des pays pauvres, qui vivent dans un monde spirituel, totalement détaché du matériel ou presque. Cette bipolarité, je ne m’y reconnais pas. Je ne me sens plus adhérer aux valeurs du monde matériel à l’occidentale, l’apparence, la frime, la mode, la télé et son flot ininterrompu de jugements de valeur, d’ironie acerbe, de diktats culturels et d’idées toutes faites. Pour autant, je ne me vois pas vivre à l’orientale, miser tout sur le spirituel, m’asseoir nu au milieu d’une natte sans me préoccuper de la crasse ni de la misère.

Je vois le monde partagé en deux camps, l’un à fond dans l’économie de marché, le profit, le pognon et sa logique du toujours plus. L’autre, à fond dans le spirituel, mais aussi dans, comme je le disais, la crasse et la misère. C’est trop exagéré, de part et d’autre.

Passons. Voilà pour le monde. Vos commentaires sont les bienvenus si je m’égare. Remettez-moi la tête à l’endroit si vous en avez la bonté.

Et pour moi, ce qu’il en est ? Ben au milieu de tout ce bintz, j’ai compris que je n’étais pas parti pour faire de si grandes choses que ça. D’abord, le monde je ne le changerai pas. Ni moi, ni vous, ni personne. Il est parti dans sa lancée, et faut appuyer vraiment énormément juste pour le dévier d’un millimètre. Faut s’y mettre à des millions juste pour lui filer une chiquenaude. Par exemple : le système de la croissance à l’infini est absurde. Il s’essouffle. On devrait en changer. Au lieu de quoi, on élit président le type qui réussit à nous faire croire qu’il va pouvoir retarder l’effondrement final. Je me marre. Comme si, à l’échelle de notre beau pays, le type en question pouvait agir pour empêcher le suicide collectif des nations qui foncent toutes vers l’abîme. Les marioles se donnent 50 ans pour réduire de moitié leurs émissions de gaz à effets de serre. Alors qu’en réalité ça fait déjà 20 ans qu’ils auraient dû freiner pile. Ils s’imaginent disposer d’une marge confortable, ils ne l’ont pas. C’est comme si on était lancé à 140 à l’heure sur une pente d’herbe bien grasse et qu’on freine à mort 20 mètres avant la falaise. Tu parles, Charles. Tu peux toujours appuyer sur la pédale, tu finiras en bas, c’est réglé.

Bref, le monde est jobard. Et piloté par une petite intelligentsia guidée, elle, par le profit, le pouvoir, etc. Les autres, l’immense masse des autres, on leur file un os à ronger : les « people », les vedettes en tous genres, les gloires réelles ou supposées, et pendant qu’ils se remplissent les esgourdes avec le dernier tube à la mode, qu’il soit de section circulaire ou carrée, pendant qu’ils se remplissent de bouffe industrielle, lisent les romans de l’été ou commentent les derniers rebondissements des intrigues à deux balles du loft ou d’ailleurs, certains, dans l’intervalle, se remplissent les fouilles et nous mènent à notre perte. Passons.

Le monde sombre dans le strass, les paillettes, et n’a d’yeux que pour les dernières frasques de Johnny Hallyday ou de Britney Spears. Enfin, le monde occidental. Pendant ce temps, ailleurs, d’autres méditent, le ventre vide ou presque, recouverts partiellement de vermine.

Et moi ? Lucide sur tout ce merdier, je me dis que certes, je peux agir quand j’en ai l’occase. Et je ne me gêne pas. Mais je ne me fais pas d’illusions. Je vous l’ai dit : on ne freine pas dans les derniers 20 mètres, fallait réagir avant, depuis belle lurette. Disons que si je peux ouvrir ma gueule, je le fais. Par exemple, je vote. Mais ça sert à quoi ? Les gens pour qui je vote se font en général éjecter avant le deuxième tour. Donc, un coup pour rien.

Qu’est-ce que je fous dans cette histoire de dingues ? Je n’en sais rien.

J’ai cru pendant longtemps que je pouvais changer le monde. On a été nombreux à refaire le monde, que ce soit dans sa tête, ou avec d’autres. Autour d’un pot avec des amis, au troquet du coin, ou lors de conversations plus philosophiques avec des gens dits cultivés.

Résultat : peau de balle.

Refaire le monde, j’ai compris que c’était du flan.

Alors ?

Chacun sa solution. Moi, il me reste le lot de consolation : étant plus ou moins artiste sur les bords, je me dis que je ne referai pas le monde, mais que chaque fois que je me penche sur mon ouvrage, je recrée le monde. Ma vision du monde. Une certaine vision, qui vaut ce qu’elle vaut.

Mieux que rien, on va dire. Guère plus que ça.

C’est pour cette raison sans doute que je crée des statues dérisoires où je joue avec ces thèmes. La musique, la mort, la guerre, l’érotisme, la technologie, la magie. Allez comprendre. Moi, l’intéressé, je ne sais pas vraiment ce que ça cherche à dire. Ni si j’ai quelque chose à dire, autant que je veux bien le croire. Bof. Du reste, ce que j’écris là, c’est pareil : qu’ai-je donc à dire ? Que j’ai compris que tout ça était du toc ? Et que je me rattrappe sur ce que je peux, tant bien que mal ? On doit être des tapées et des tapées dans ce cas, je suppose. A se dépatouiller tant bien que mal avec ce triple concentré d’absurdité.

Il y a ceux qui amassent du fric. Ceux qui s'enfilent des pastis à tire-larigot pour oublier. Ceux qui psalmodient des prières et font brûler des baguettes d'encens. Ceux qui font les beaux sur la plage et draguent à des cadences de mitraillettes. Ceux qui s'engagent dans la Légion. Ceux qui votent Le Pen. Ceux qui font tourner des tables. Ceux qui écoutent du hard rock tellement fort que tout le quartier en profite. Ceux qui inscrivent leurs enfants au cours de danse et veulent que chacun d'eux soit premier dans sa classe et revienne avec des médailles, du conservatoire ou d'ailleurs. Ceux qui ont la belle villa, la belle piscine, la Mercedès la plus chère, le yacht, "tout mieux que le voisin". Ceux qui hésitent entre la pilule rouge et la pilule bleue. Ceux qui guettent l'arrivée du Messie, ceux qui disent qu'il est déjà là, ceux qui pensent qu'ils gagneront le Paradis en se faisant sauter le caisson au nom d'Allah, ceux qui... Est-ce que je sais, moi.

Moi, je fais partie de ceux qui bidouillent des petits trucs dans leur coin, des petits trucs soit-disant artistiques. Un fatigué de plus. Pas grave, je suis un fatigué inoffensif. Et puis, va, au point où on en est...

Allez, c’est bon, j’abrège. Pas la peine d’en rajouter, après on va encore me dire que j’écris des messages trop longs.

Bon… Voilà…

Un bisou quand même à tous,

Ubik.
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