La mise à l’écart
J'ai trouvé un article qui témoigne exactement mon état d'esprit concernant mon présent et mon futur. J'ai trop la flemme pour le réécrire en le résumant, surtout que, si je veux tout dire, le résumé risque d'être aussi long que l'article lui même. Alors je le colle simplement ci-dessous. Il est de Claude Bersay et a été publié dans la revue Études sur la mort. (trouvé sur le site cairn.info)
...
Beaucoup de personnes aspirent à la retraite quand le travail se fait sans plaisir ou dans des conditions difficiles ou quand la santé se détériore. Pour d’autres, l’arrêt professionnel est facteur de déséquilibre et il est parfois ressenti comme une mort, la mort sociale. Le travail apportait une structure de vie autour de laquelle tout gravitait. Il faut se construire une autre organisation de vie et cela ne se fait pas automatiquement. L’arrêt professionnel peut être compensé par un investissement accru sur le plan associatif. L’apprentissage de nouvelles activités, outre le plaisir qu’il procure, le maintien des relations sociales qu’il permet, est un stimuli pour le cerveau et un entraînement pour la mémoire.
Malheureusement, en Occident, le mode de vie de la société capitaliste, axée sur l’avoir et le faire, a donné lieu à une dévalorisation de l’âge, à tel point que la vieillesse, tout comme la mort, est redoutée et souvent camouflée; vieillir dans nos sociétés, c’est aller vers un moins: moins de santé, d’énergie, de qualité de vie matérielle, de statut social. Le renversement de la pyramide des âges a fait apparaître les vieux comme des bouches à nourrir, beaucoup trop nombreuses, à la charge de la population active. Une société utilitaire comme la nôtre ne peut, évidemment, se permettre un tel gâchis.
La dégradation bio-médicale
Au-delà de soixante ans, la consommation médicale augmente considérablement. Les personnes de plus de soixante-cinq ans sont, en moyenne, atteintes de trois, quatre affections, et, au-delà de soixante-dix ans, de plus de sept affections.
On a récemment introduit le concept de fragilité: du fait de l’association de plusieurs maladies, de plusieurs facteurs de risque, des événements psychologiques et surtout somatiques vont se surajouter. Ils vont être susceptibles de décompenser l’état de santé de la personne, et de la faire, très vite, basculer d’un état d’autonomie à un état de dépendance où la récupération deviendra très aléatoire. Il est donc important de bien définir ces facteurs de fragilité pour agir au plan de la prévention. On peut citer: les chutes, la dénutrition, les maladies, un environnement défavorable, les démences…
Parmi eux, les troubles mentaux qui sont souvent sévères et fréquemment associés à des pathologies organiques. La dépression est la pathologie mentale la plus fréquente chez le sujet âgé. Elle est volontiers masquée et difficile à reconnaître du fait des modifications somatiques contemporaines du vieillissement, (traduite par un simple ralentissement psychomoteur), de l’intrication fréquente avec des affections somatiques et de l’idée fausse, mais trop fréquemment répandue, que cette période de la vie s’accompagne inéluctablement d’une certaine tristesse. La prévalence de la dépression au sein de la population âgée est, ainsi, de dix pour cent. Ce chiffre vaut pour l’ensemble de l’Europe, mais ce qui est plus spécifiquement français, c’est la fréquence très élevée des suicides avec une prédominance masculine. La solitude, l’exclusion, le sentiment d’être rejeté, d’être dévalorisé, la déchéance physique et mentale constituent des facteurs qui favorisent la survenue d’une symptomatologie dépressive ou le passage à l’acte suicidaire.
Pertes
La vieillesse est une période de crise et de fragilisation en raison des pertes multiples subies: perte de l’activité professionnelle, perte d’un corps en bonne santé, perte de personnes chères, perte très fréquente des relations amoureuses. Le vieillissement nous impose une douloureuse réalité: baisse des performances et lente diminution du plaisir de vivre.
Qui peut espérer être respecté quand il sera vieux, pour l’expérience accumulée au cours de sa vie, alors que les rapides changements liés aux progrès techniques semblent rendre obsolète tout savoir qui n’est pas du jour?
Le grand âge est un moment de vérité. Maintenant qu’il n’a plus rien à offrir que ses déficits, le vieillard va savoir s’il est aimé pour lui-même ou pour ce qu’il apporte. Quand vient le grand âge, le très vieux n’a plus de rôle à jouer. Il vit encore mais il n’existe plus. Amer, triste et angoissé, il peut découvrir, tout à loisir, dans sa maison de retraite, qu’on ne l’aime pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représentait et que, dans nos cultures, l’avoir compte plus que l’être. C’est à l’ombre de la mort que se mesure vraiment le manque d’amour. Que devient le vieux lorsque, non seulement il ne peut plus rendre service ni voyager, mais, quant à son tour, il a besoin d’aide et que beaucoup le considèrent comme une charge inutile?
L’hospice: La certitude de mourir, le vieillard la ressent dès l’instant où il en franchit les portes; cette démarche signifie pour lui la fin de l’existence normale, la rupture de tout ce qui avait donné un sens à sa vie. Trop souvent abandonnés à eux-mêmes, rudoyés ou infantilisés, les vieux, en Institution, subissent des stress sévères: la perte de leurs habitudes, la désorientation spatiale et temporelle, la disparition des liens affectifs anciens, la misère sexuelle, la cohabitation avec des inconnus, la solitude au milieu des autres, l’imposition d’une discipline qui entrave leur liberté, et aussi la honte de leur dépendance quand ils ont perdu l’autonomie. Nous avons vu que la retraite pouvait être ressentie comme une mort, la mort sociale. L’entrée à l’hospice est un déracinement, une mort familiale. Certains sont placés parce qu’ils perdent la tête; d’autres perdent la tête parce qu’ils sont placés. Le vieillard va tenter de s’installer dans sa nouvelle existence, mais tôt ou tard, il lâchera pied et ce sera la troisième mort, le naufrage, en attendant la vraie, celle qu’il aura fini par souhaiter. Il y a là un non sens de la fin de vie, un non sens de la vieillesse qui épuise proches et soignants. Pourtant, l’être humain reste jusqu’au bout doué d’aptitudes cognitives, de capacités de relations, d’amour et de création, et il est ainsi des vieillesses heureuses avec préservation de l’essentiel des facultés physiques et mentales au milieu des siens. Moins de cinq pour cent des personnes de plus de soixante-cinq ans sont contraintes de vivre en maison de retraite médicalisée et seulement douze pour cent de plus de quatre-vingts ans.
La mort
La mort a un visage, c’est celui d’un vieillard. Chateaubriand disait que la vieillesse, qu’il appelait la voyageuse de nuit, est la plus proche parente de la mort. La vieillesse devient synonyme de mort parce qu’on ne meurt plus quand on est jeune, si ce n’est accidentellement ou par suicide. De plus en plus, la mort n’apparaît normale que chez les vieux et elle est ressentie comme injuste quand elle frappe des jeunes. Les personnes âgées deviennent les symboles et les images de la mort sous prétexte qu’elles sont plus proches d’elle. Dans l’imaginaire collectif, ils sont, d’une certaine façon chargés de la tache de mourir; ils sont au front. On évoquera, à ce propos, le syndrome du Minotaure: chaque fois qu’il y a un décès, les survivants éprouvent une sorte de soulagement comme si le monstre allait s’apaiser après avoir eu sa ration de chair.
On aime la jeunesse qui a la vie devant elle; on déteste la vieillesse qui jouxte la mort, en oubliant que tous les hommes sont mortels quelque soit leur âge. C’est lorsque nous sommes dans la force de l’âge que nous jugeons que la mort du vieillard est chose naturelle. Pour lui, elle est aussi injuste que celle du jeune Le temps du vieillissement est celui de l’insécurité et de l’angoisse. La mort est évidemment proche.
Pour autant, cela ne procure aucune connaissance supplémentaire sur la mort: La mort ne peut être vécue; elle n’est pas un événement de la vie (Wittgenstein). On ne peut parler de la mort qu’en termes de vie: « un long voyage, il s’est endormi… ». Le vécu de ce que serait la mort est impossible. Jankelevitch: Les vivants accompagnent le mourant dans le dernier instant, mais personne ne lui fait escorte tandis qu’il accomplit le pas solitaire…
Ceux qui prennent de l’âge craignent le pire car ils savent que la grande vieillesse a l’allure d’un fardeau aussi bien pour ceux qui la vivent que pour ceux qui la rendent possible en prenant soin d’eux. Non seulement la survie des gens âgés est perçue comme pénible par eux et les leurs, mais aussi comme fort onéreuse pour la collectivité.
Nous sommes dans une situation contradictoire. D’un côté, nous souhaitons vivre longtemps, de l’autre nous ne voulons pas être vieux pour ne pas nous tenir à proximité de la mort.
L’autre aspect du miroir
A être caractérisé uniquement par ses aptitudes et ses inaptitudes, le sujet âgé n’est plus écouté. Il n’en a pas toujours été ainsi. Autrefois on les considérait comme des acteurs de la mémoire collective, les pourvoyeurs d’une culture passée, les liens intergénérationnels ou des référents symboliques.
L’Antiquité vénérait la vieillesse. A une époque, certes, où vieillir était l’exception, Job, « rassasié de jours » représentait une des figures les plus touchantes de l’histoire sainte. D’Homère aux Romantiques, le culte des hommes âgés faisait partie de l’éducation des Princes et des humbles. Dans les vieilles civilisations orientales, les anciens sont les sages, ceux qui possèdent le secret de la connaissance. Il est des sociétés où vieillir est un plus: plus d’expérience, de sagesse, de spiritualité, d’estime sociale, de respect.
Le vieillissement peut être envisagé sous forme d’un bilan qui comporte des gains et des pertes. Nous avons vu les pertes. Parmi les gains: expérience, savoir faire, sagesse, sens de la vie, de la souffrance, de la mort, pouvoir économique. Les gens ont besoin qu’on leur parle d’autre chose que d’économie et d’argent; ils ont besoin qu’on leur parle du sens de la vie (Vaclav Havel).
Vieillir est un privilège. En vieillissant, n’a-t-on pas plus de temps pour penser, pour se nourrir l’âme et l’esprit, pour être plus ouvert à la dimension spirituelle. Vieillir, c’est continuer à apprendre, à découvrir, à créer. C’est le temps de vie où l’on peut être soi-même et se reposer des tentatives illusoires de vouloir s’imposer. Pas besoin de séduire, d’exercer un pouvoir, de paraître…
La vieillesse a-t-elle un sens?
La vieillesse n’est pas une simple étape de la vie parmi d’autres, elle est celle qui permet de saisir l’ensemble de celles qui précédent et d’accéder à leur compréhension. En avançant vers la fin de sa vie, on découvre la précarité des choses et cela aide à distinguer l’important du négligeable.
A l’horizon d’une vie appelée à se terminer à plus ou moins brève échéance, le sujet se retrouve face à la tâche de prendre la mesure de sa vie, d’en faire le bilan. Il va récapituler son parcours dans une perspective d’ensemble. Il peut espérer, ainsi, atteindre une certaine sérénité, un certain détachement et mieux accepter l’inéluctable.
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Beaucoup de personnes aspirent à la retraite quand le travail se fait sans plaisir ou dans des conditions difficiles ou quand la santé se détériore. Pour d’autres, l’arrêt professionnel est facteur de déséquilibre et il est parfois ressenti comme une mort, la mort sociale. Le travail apportait une structure de vie autour de laquelle tout gravitait. Il faut se construire une autre organisation de vie et cela ne se fait pas automatiquement. L’arrêt professionnel peut être compensé par un investissement accru sur le plan associatif. L’apprentissage de nouvelles activités, outre le plaisir qu’il procure, le maintien des relations sociales qu’il permet, est un stimuli pour le cerveau et un entraînement pour la mémoire.
Malheureusement, en Occident, le mode de vie de la société capitaliste, axée sur l’avoir et le faire, a donné lieu à une dévalorisation de l’âge, à tel point que la vieillesse, tout comme la mort, est redoutée et souvent camouflée; vieillir dans nos sociétés, c’est aller vers un moins: moins de santé, d’énergie, de qualité de vie matérielle, de statut social. Le renversement de la pyramide des âges a fait apparaître les vieux comme des bouches à nourrir, beaucoup trop nombreuses, à la charge de la population active. Une société utilitaire comme la nôtre ne peut, évidemment, se permettre un tel gâchis.
La dégradation bio-médicale
Au-delà de soixante ans, la consommation médicale augmente considérablement. Les personnes de plus de soixante-cinq ans sont, en moyenne, atteintes de trois, quatre affections, et, au-delà de soixante-dix ans, de plus de sept affections.
On a récemment introduit le concept de fragilité: du fait de l’association de plusieurs maladies, de plusieurs facteurs de risque, des événements psychologiques et surtout somatiques vont se surajouter. Ils vont être susceptibles de décompenser l’état de santé de la personne, et de la faire, très vite, basculer d’un état d’autonomie à un état de dépendance où la récupération deviendra très aléatoire. Il est donc important de bien définir ces facteurs de fragilité pour agir au plan de la prévention. On peut citer: les chutes, la dénutrition, les maladies, un environnement défavorable, les démences…
Parmi eux, les troubles mentaux qui sont souvent sévères et fréquemment associés à des pathologies organiques. La dépression est la pathologie mentale la plus fréquente chez le sujet âgé. Elle est volontiers masquée et difficile à reconnaître du fait des modifications somatiques contemporaines du vieillissement, (traduite par un simple ralentissement psychomoteur), de l’intrication fréquente avec des affections somatiques et de l’idée fausse, mais trop fréquemment répandue, que cette période de la vie s’accompagne inéluctablement d’une certaine tristesse. La prévalence de la dépression au sein de la population âgée est, ainsi, de dix pour cent. Ce chiffre vaut pour l’ensemble de l’Europe, mais ce qui est plus spécifiquement français, c’est la fréquence très élevée des suicides avec une prédominance masculine. La solitude, l’exclusion, le sentiment d’être rejeté, d’être dévalorisé, la déchéance physique et mentale constituent des facteurs qui favorisent la survenue d’une symptomatologie dépressive ou le passage à l’acte suicidaire.
Pertes
La vieillesse est une période de crise et de fragilisation en raison des pertes multiples subies: perte de l’activité professionnelle, perte d’un corps en bonne santé, perte de personnes chères, perte très fréquente des relations amoureuses. Le vieillissement nous impose une douloureuse réalité: baisse des performances et lente diminution du plaisir de vivre.
Qui peut espérer être respecté quand il sera vieux, pour l’expérience accumulée au cours de sa vie, alors que les rapides changements liés aux progrès techniques semblent rendre obsolète tout savoir qui n’est pas du jour?
Le grand âge est un moment de vérité. Maintenant qu’il n’a plus rien à offrir que ses déficits, le vieillard va savoir s’il est aimé pour lui-même ou pour ce qu’il apporte. Quand vient le grand âge, le très vieux n’a plus de rôle à jouer. Il vit encore mais il n’existe plus. Amer, triste et angoissé, il peut découvrir, tout à loisir, dans sa maison de retraite, qu’on ne l’aime pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représentait et que, dans nos cultures, l’avoir compte plus que l’être. C’est à l’ombre de la mort que se mesure vraiment le manque d’amour. Que devient le vieux lorsque, non seulement il ne peut plus rendre service ni voyager, mais, quant à son tour, il a besoin d’aide et que beaucoup le considèrent comme une charge inutile?
L’hospice: La certitude de mourir, le vieillard la ressent dès l’instant où il en franchit les portes; cette démarche signifie pour lui la fin de l’existence normale, la rupture de tout ce qui avait donné un sens à sa vie. Trop souvent abandonnés à eux-mêmes, rudoyés ou infantilisés, les vieux, en Institution, subissent des stress sévères: la perte de leurs habitudes, la désorientation spatiale et temporelle, la disparition des liens affectifs anciens, la misère sexuelle, la cohabitation avec des inconnus, la solitude au milieu des autres, l’imposition d’une discipline qui entrave leur liberté, et aussi la honte de leur dépendance quand ils ont perdu l’autonomie. Nous avons vu que la retraite pouvait être ressentie comme une mort, la mort sociale. L’entrée à l’hospice est un déracinement, une mort familiale. Certains sont placés parce qu’ils perdent la tête; d’autres perdent la tête parce qu’ils sont placés. Le vieillard va tenter de s’installer dans sa nouvelle existence, mais tôt ou tard, il lâchera pied et ce sera la troisième mort, le naufrage, en attendant la vraie, celle qu’il aura fini par souhaiter. Il y a là un non sens de la fin de vie, un non sens de la vieillesse qui épuise proches et soignants. Pourtant, l’être humain reste jusqu’au bout doué d’aptitudes cognitives, de capacités de relations, d’amour et de création, et il est ainsi des vieillesses heureuses avec préservation de l’essentiel des facultés physiques et mentales au milieu des siens. Moins de cinq pour cent des personnes de plus de soixante-cinq ans sont contraintes de vivre en maison de retraite médicalisée et seulement douze pour cent de plus de quatre-vingts ans.
La mort
La mort a un visage, c’est celui d’un vieillard. Chateaubriand disait que la vieillesse, qu’il appelait la voyageuse de nuit, est la plus proche parente de la mort. La vieillesse devient synonyme de mort parce qu’on ne meurt plus quand on est jeune, si ce n’est accidentellement ou par suicide. De plus en plus, la mort n’apparaît normale que chez les vieux et elle est ressentie comme injuste quand elle frappe des jeunes. Les personnes âgées deviennent les symboles et les images de la mort sous prétexte qu’elles sont plus proches d’elle. Dans l’imaginaire collectif, ils sont, d’une certaine façon chargés de la tache de mourir; ils sont au front. On évoquera, à ce propos, le syndrome du Minotaure: chaque fois qu’il y a un décès, les survivants éprouvent une sorte de soulagement comme si le monstre allait s’apaiser après avoir eu sa ration de chair.
On aime la jeunesse qui a la vie devant elle; on déteste la vieillesse qui jouxte la mort, en oubliant que tous les hommes sont mortels quelque soit leur âge. C’est lorsque nous sommes dans la force de l’âge que nous jugeons que la mort du vieillard est chose naturelle. Pour lui, elle est aussi injuste que celle du jeune Le temps du vieillissement est celui de l’insécurité et de l’angoisse. La mort est évidemment proche.
Pour autant, cela ne procure aucune connaissance supplémentaire sur la mort: La mort ne peut être vécue; elle n’est pas un événement de la vie (Wittgenstein). On ne peut parler de la mort qu’en termes de vie: « un long voyage, il s’est endormi… ». Le vécu de ce que serait la mort est impossible. Jankelevitch: Les vivants accompagnent le mourant dans le dernier instant, mais personne ne lui fait escorte tandis qu’il accomplit le pas solitaire…
Ceux qui prennent de l’âge craignent le pire car ils savent que la grande vieillesse a l’allure d’un fardeau aussi bien pour ceux qui la vivent que pour ceux qui la rendent possible en prenant soin d’eux. Non seulement la survie des gens âgés est perçue comme pénible par eux et les leurs, mais aussi comme fort onéreuse pour la collectivité.
Nous sommes dans une situation contradictoire. D’un côté, nous souhaitons vivre longtemps, de l’autre nous ne voulons pas être vieux pour ne pas nous tenir à proximité de la mort.
L’autre aspect du miroir
A être caractérisé uniquement par ses aptitudes et ses inaptitudes, le sujet âgé n’est plus écouté. Il n’en a pas toujours été ainsi. Autrefois on les considérait comme des acteurs de la mémoire collective, les pourvoyeurs d’une culture passée, les liens intergénérationnels ou des référents symboliques.
L’Antiquité vénérait la vieillesse. A une époque, certes, où vieillir était l’exception, Job, « rassasié de jours » représentait une des figures les plus touchantes de l’histoire sainte. D’Homère aux Romantiques, le culte des hommes âgés faisait partie de l’éducation des Princes et des humbles. Dans les vieilles civilisations orientales, les anciens sont les sages, ceux qui possèdent le secret de la connaissance. Il est des sociétés où vieillir est un plus: plus d’expérience, de sagesse, de spiritualité, d’estime sociale, de respect.
Le vieillissement peut être envisagé sous forme d’un bilan qui comporte des gains et des pertes. Nous avons vu les pertes. Parmi les gains: expérience, savoir faire, sagesse, sens de la vie, de la souffrance, de la mort, pouvoir économique. Les gens ont besoin qu’on leur parle d’autre chose que d’économie et d’argent; ils ont besoin qu’on leur parle du sens de la vie (Vaclav Havel).
Vieillir est un privilège. En vieillissant, n’a-t-on pas plus de temps pour penser, pour se nourrir l’âme et l’esprit, pour être plus ouvert à la dimension spirituelle. Vieillir, c’est continuer à apprendre, à découvrir, à créer. C’est le temps de vie où l’on peut être soi-même et se reposer des tentatives illusoires de vouloir s’imposer. Pas besoin de séduire, d’exercer un pouvoir, de paraître…
La vieillesse a-t-elle un sens?
La vieillesse n’est pas une simple étape de la vie parmi d’autres, elle est celle qui permet de saisir l’ensemble de celles qui précédent et d’accéder à leur compréhension. En avançant vers la fin de sa vie, on découvre la précarité des choses et cela aide à distinguer l’important du négligeable.
A l’horizon d’une vie appelée à se terminer à plus ou moins brève échéance, le sujet se retrouve face à la tâche de prendre la mesure de sa vie, d’en faire le bilan. Il va récapituler son parcours dans une perspective d’ensemble. Il peut espérer, ainsi, atteindre une certaine sérénité, un certain détachement et mieux accepter l’inéluctable.
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